le réveil des insectes

On a beau guetter leurs minuscules cheminements à travers brindilles et jeunes herbes, les petits êtres qui parfois nous chatouillaient le cou quand nous étions allongés au parc et qu’ils couraient sur notre peau ou qui d’autres jours nous dégoutaient un peu par la multitude trop agile de leurs pattes, semblent avoir disparu. Alors que commence 啓蟄 ou Keichitsu, la saison où ils devraient sortir de leur hibernation, les insectes ne sont pas là. Il paraît même difficile de se rappeler la dernière fois où nous les avons vus, nombreux, s’activer sur le sol ou dans les buissons. Il y a maintenant un silence une désertion qui désolent.

L’épaisseur de la neige fraîchement tombée, l’irisation légère des cristaux sous le soleil voilé procurent une sensation d’apaisement, d’apesanteur mêlée à une sorte d’excitation. On ne se lasse pas de la blancheur du paysage, de l’air vif de la montagne. Promenade en raquette dans la forêt, entre les sapins. Traces de lièvres variables, d’écureuils noirs et peut-être d’un renard. J’apprends qu’en hiver les lièvres variables s’enveloppent d’une fourrure blanche comme la neige pour se protéger de leurs prédateurs. Seule l’extrémité de leurs oreilles est noire.

Ce matin, grand ciel bleu, la neige brille sur les pentes. Après le départ d’Alice et de Matt vers les pistes, je me mets au travail, j’essaie de répondre aux deux questions que je me suis posées hier sur le chapitre trois. La perspective d’avoir devant moi quelques journées entières pour travailler élargit mes réflexions. Un nouveau texte se construit autour d’un personnage émergent. 14h33, le brouillard se répand, masque les sommets et plonge dans la vallée. 1’h42, de gros flocons tombent à présent. Le brouillard dissout le paysage.

Depuis cet été, grâce à l’atelier de François Bon, je prends progressivement conscience que la spirale est une idée, une forme, un motif central dans l’écriture de K. L’insistance de cette figure m’intrigue, sa force travaille comme à mon insu mon écriture, elle y creuse un trou noir.

Ai terminé ce matin la lecture des Liaisons dangereuses de Laclos qui a tant plu à Alice. La construction virtuose, manipulatrice (comme on aime se faire manipuler ou voir d’autres se faire manipuler dans un récit !) n’empêche pas l’émotion, loin de là.

De retour à Paris, trouver l”appartement recouvert d’une couche de poussière, empoussiéré comme dit Matt, par les travaux de consolidation des caves qui ont commencé en janvier. En faisant le ménage, je surprend une petite araignée qui se réfugie entre deux lattes du parquet. Je la laisse tranquille bien sûr et j’hésite même à aspirer les fils qu’elle a tissés derrière une étagère.

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