
春分 L’équinoxe de printemps
Écrire un carnet en suivant le calendrier des micro-saisons japonaises est la ligne que je me suis fixée cette année pour tenter de nouveau d’écrire une sorte de journal. Une ligne de crête fragile qui m’entraîne cependant à creuser cet exercice. Sachant que je suis (et serai) toujours en retard d’une ou deux micro-saisons… on ne rattrape pas le temps…
Si vivant, le spectacle de Joël Pommerat, Contes et légendes, nous réconcilie avec le théâtre. Cela faisait très longtemps que je n’avais pas écouté une pièce du début à la fin sans relâcher l’attention à de multiples reprises… échappées vers d’autres pensées, imaginant parfois ce que je ferais dans le même lieu si je pouvais mettre en scène. Là, l’attention est continue, joyeuse, grave, précise.
Dernier jour de l’exposition, À la cour du Prince Genji. Si les objets et les quelques meubles présentés ne me touchent pas à la hauteur de la fascination qu’a exercé à travers les siècles et qu’exerce toujours le fameux roman de Murasaki Shikibo, Le Dit du Genji, je suis émerveillée en découvrant les fabuleux rouleaux tissés de Maître Itaro Yamaguchi. (1901-2007). Tisserand dès l’âge de 10 ans dans le quartier de Nishjin à Kyôto, il crée son propre atelier à 19 ans et se retire à 70 ans en se fixant comme défi de reproduire en tapisserie les rouleaux peints du Dit du Genji datant du 12ème siècle. Il consacre les trente-cinq dernières années de sa vie à cette œuvre gigantesque, en utilisant des techniques de tissage du monde entier. Ce sont quatre splendides et longs rouleaux aux couleurs chatoyantes, déployés dans une longue salle du Musée Guimet, qui retracent des épisodes du Dit du Genji.
Les premières fleurs éclosent sur les cerisiers et le citronnier du Parc sur un fond de ciel gris qui fait vibrer les nouveaux verts. Je vais à la librairie de l’Atelier voir s’ils ont Le Dit du Genji. Je soupèse le volume, j’aime son poids, je feuillette les fines pages lisses (mille quatre cent cinquante), je survole quelques passages… je reviendrai l’acheter bientôt.
Retrouver amie et camarades dans un bistrot des hauteurs de Coutances pour aller écouter Zaho de Sagazan en concert. Énergie, pulsation de la musique et du cœur sur des mots justes. En fin de soirée, récupérer Matt devant la gare déserte.
Apparition inespérée du soleil. Nous marchons sur le sable le long de la mer. Mais I doit rebrousser chemin, sa cheville la fait souffrir. Elle nous rejoindra en voiture au prochain village. Nous buvons un verre au bord de la plage, profitant du soleil malgré l’air froid. Je regarde le temps passer sur le visage des autres.
Le tronc fracassé révèle la violence des tempêtes récentes. En lisière des champs, évitant les ornières profondément boueuses, nous avançons en direction de la mer, marée basse et ciel immense.
Nous marchons sur le front de mer de Saint-Martin de Bréhal, Matt et moi, à la recherche d’une maison. Des nuages noirs s’avancent sur la mer. Je m’arrête un moment pour prendre des photos. Et lorsque je repars, j’oublie complètement qu’il y a un plot derrière moi qui “fauche ” ma jambe gauche, l’autre jambe se soulève aussi comme si je faisais un otoshi , à part que je retombe sur une digue de béton et non sur un tatami (mais plus de peut que de mal après ce vol plané arrière).
De retour à Paris, premiers jours d’avril, vibrant de nouvelles feuilles, les fleurs s’épanouissent sur les branches sombres des cerisiers du parc. Blooming and blossoming a lot…