l’eau de pluie

Le 21, deux jours après le début d’Usui, saison de l’eau de pluie, j’ai ouvert un livre de Paul Lambda Les icebergs de la mélancolie, petit recueil d’aphorismes acheté à la librairie Wallonie-Bruxelles en décembre dernier. La pluie rebondit sur les rebords de fenêtre. Je lis “Dieu créa le monde et le Diable le suspense.” Et si c’était ça, si j’étais une agente secrète du Diable, toujours à vouloir instiller un soupçon de mystère quand j’écris, ne serait-ce qu’entre les lignes ? Et aussi à voir du mystère partout, dans les actes les plus anodins, dans les rues que je longe, les paysages que je traverse. La nature m’en sait peut-être gré car “La montagne pour ne pas me voir partir s’est couverte de brume. “

L’eau continue de rejaillir sur les gouttières. Le ciel s’éclaircit pourtant mais nul soleil derrière les nuages, c’est seulement la pluie qui est plus lumineuse, l’espace d’un instant.

Écouter la voix d’Hélène Cixous dire son éblouissement lorsqu’elle a découvert Clarice Lispector, l’écriture miraculeuse de Clarice, à chaque page, à chaque phrase. Le je avec lequel Clarice sculpte ses phrases n’est pas un débord narcissique, c’est un outil qui creuse la matière soi, la sensibilité sienne, pour affiner et approfondir sa connaissance du monde. Un tel je peut être un outil pour chacun.e.

Exprimer en italien mon enthousiasme pour l’exposition Sculpting the senses d’Iris Van Herpen, et le travail d’autres artistes mis en perspective comme Rogan Brown me demande une préparation sérieuse, entre vérifier si ce qui vient spontanément est correct, découvrir des mots que j’ignore pour exprimer le plus précisément possible ce que je ressens et enfin essayer dans la mesure du possible d’appliquer les règles de grammaire apprises. L’impression de faire quelques progrès et surtout la joie à chaque cours de faire une sorte de micro voyage en Italie.

Avant que la pluie tombe à nouveau, nous sommes allées au parc. Cela faisait des semaines que je n’y étais pas retournée. Nous avons fait le grand tour, sans descendre au lac, apercevant en contre-bas la boue grise reflétant le ciel. Il devrait être rempli d’eau d’ici la fin mars. Est-ce qu’alors les hérons reviendront ? Des fleurs blanches commencent à consteller quelques arbres.

En seiza sur le tatami, vide et concentration pendant le salut, sensation de faire partie d’un groupe – sensation rare – souvenir de la joie d’avoir retrouvé le dojo après le confinement. Toujours chercher à améliorer les gestes, les mouvements, les chutes… et aussi l’envie d’écrire sur ma pratique d’aïkidoka. Comme la philo, l’aïkido est aussi une école de l’humilité, une humilité que j’ai bien besoin d’apprendre et d’exercer.

Je suis retournée au parc alors que le soleil brillait, un soleil incongru après toutes ces journées de pluie. L’impression qu’en l’espace de deux jours, des centaines de petites fleurs blanches ou rosées avaient éclos sur les arbres.

La saison Usui se termine. J’ai avancé dans l’écriture du chapitre trois de L. sans doute pas autant que je l’aurais souhaité en début d’année mais la sensation que cela prend forme m’emporte.

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