Le ciel vide dans les grands yeux bleus de l’orpheline, immobile derrière les feuillages. Deux voix, deux mères en haut d’un escalier de béton gris. Des fêlures dans la voix la plus grave quand elle rapporte les paroles du médecin qui a cessé d’entendre battre le cœur du mari encore assis. L’île radieuse, l’obscurcissement du ciel. La vie nouvelle qui sombre d’un coup, le retour en métropole avec les cinq enfants, les quatre grands et la petite. Sous l’escalier, un recoin où on peut jouer ou faire semblant, sans rien perdre des confidences adultes. Revenir dans la ville natale où demeure l’homme qui l’a dénoncée durant l’occupation.

Le ciel blanc des canicules vu du cerisier, corps d’enfants renversés en cochons pendus. La voix grave a décidé de taire le nom de l’homme qui a trahi la jeune résistante qu’elle était, ne pas le dénoncer par égards pour sa famille, pour ses petits-enfants. Mais la plus jeune mère ne comprend pas, elle répète Pourquoi, pourquoi ? Lisière des jardins mitoyens, les hautes herbes folles où l’orpheline égrène ses souvenirs.