J’aime l’eau fraîche et le soleil brûlant, je revis en été. Je n’aime ni mon nom ni mon prénom.
On me reproche de ne pas écouter les réponses aux questions que je pose. J’aime la nature mais l’omniprésence du vert me dérange.  Je n’ai pas pleuré à l’enterrement de mon père. J’aime déambuler dans les grandes villes. Je n’ai aucun mal à ne penser à rien.  Je manque de naturel et de simplicité, il y a quelque chose de faux en moi. Parfois je ne comprends pas ce qu’on me dit dans ma langue natale. Ma meilleure amie est morte quand nous avions quinze ans. J’aime me jeter dans la fraîcheur de la mer.  J’aime certains efforts physiques jusqu’à l’épuisement. Je deviens  un monstre marin quand je nage très longtemps. Depuis le début, je me sens étrangère, je lance des passerelles vers les autres, ça ne marche pas toujours. Je déteste les autoroutes. Je ne suis pas morte à vingt-sept ans. A contrecœur je dois avouer que si j’étais un animal, je serais plutôt un chat qu’un tigre ou un aigle. Une part de moi se cache dans les venelles du port intérieur de Volodine. Je rêve d’une Ville où s’assembleraient des quartiers de Lisbonne, de Marseille, de Hong Kong, de Dijon, de Venise et d’autres villes imaginaires. Dans la rue, j’observe souvent la démarche des gens, la fréquence des déhanchements, des  bassins décentrés, des pieds tordus, le nombre de claudications m’étonnent, parfois j’ai mal en regardant les autres marcher, je devrais pourtant me réjouir que personne ne file droit. Je me risque rarement à chanter le Salve Regina de Pergolese, j’ai alors l’illusion fulgurante que vibre dans ma poitrine la voix d’Andreas Scholl. J’aime les crevettes grillées et les poivrons à l’huile d’olive. Le vide m’attire, j’évite d’y penser. J’écris des fragments, un jour ce sera une mosaïque. C’est inconcevable, pourtant les deux uniques volumes de la Pléiade en ma possession contiennent l’œuvre complète de Jorge Luis Borgès. Mon ignorance est gigantesque, j’essaie de la combler à l’aide de tonneaux percés. On prétend que je n’ai pas le sens de l’orientation. Je trouve mes pieds élégants. Selon mon amoureux  chez qui je perçois une pointe d’envie, ma propension à générer du désordre est tout à fait inouïe. Je me demande comment aurait été ma vie si… La douceur de certaines personnes me désarçonne. Au théâtre j’imagine souvent une autre mise en scène que celle-ci qui m’ennuie.  Je reste une enfant asociale, je n’en tire aucune fierté mais je n’en ai plus honte. Il n’y a pas de milieu social où je me sens à ma place. Les Stones, les Doors, David Bowie, le Velvet et Neil Young ont sauvé mon adolescence. Parfois je parle à ma grand-mère morte il y a plus de vingt ans.

Faux autoportrait comme vraie fiction c’est la séance 6 de Back to basics, l’atelier d’écriture proposé par François Bon