Je cherche mon fait divers, celui sur lequel je lancerai ma caméra subjective pour participer à l’atelier de François Bon, mais pas sûr que je le trouve… je cherche sur les sites du Bien public et de Nice Matin, un fait divers advenu à Dijon, à Cannes ou à Nice, en des lieux avec lesquels j’ai à m’expliquer sérieusement.

Du tiroir inférieur du grand vaisselier, il tire une boîte, une sorte d’écrin. Il nous appelle pour que nous venions voir. Il ouvre l’écrin : dedans il y a un révolver, son révolver.

A première vue, il ne se passe pas le même genre de faits divers à Dijon, Nice ou Cannes. A Nice, des jeunes tchéchènes lancés dans une course poursuite sur la Promenade des Anglais fauchent à vive allure une retraitée qui s’aventurait sur un passage protégé. A Dijon le fait divers semble plus contenu. Mais c’est peut-être déjà une vision très subjective ou un a priori.

Il rentre un jour avec le visage tuméfié, le nez, le tour des yeux bleuis, violacés, gonflés. Il dit qu’il est tombé dans un escalier. Il pense qu’on peut croire qu’il est tombé dans un escalier.

Montigny sur Vingeanne, Côte d’Or, village de mes arrières grands-parents paternels, réuni en 1972 à Mornay et à Villeneuve sur Vingeanne pour former la commune de Montigny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne. Commune fantôme comme il en existe beaucoup d’autres dans les campagnes désertées. Je lis dans le Bien Public qu’une chasse aux œufs de Pâques y a fait la joie des enfants du village. On aperçoit sur les photos prises à cette occasion quelques enfants épars, ravis, un peu hébétés sur un immense terrain de sport désert.

La première affaire, une cavalerie bancaire, des chèques qui se croisent pour paraître combler un emprunt et une carte d’identité si grossièrement falsifiée qu’on pressent tout de suite autre chose derrière l’escroquerie affichée en première page de Nice Matin, édition Cannes.

Nice Matin, nouveau suicide à la prison de Grasse. Photo aérienne de l’immense prison de Grasse, un corps de bâtiment en demi-cercle, moins grand moins pur que celui du Reichsparteitagsgelände à Nuremberg dont je verrai une photo sur Wikipédia le lendemain. Toujours sur Nice Matin, un test d’un populisme assumé « pour savoir si tu es un(e) vrai(e) niçois(e). »

Il s’est fait tomber, il voulait être incarcéré pour se protéger, pour mettre à distance une menace. La famille aussi est menacée, nous apprend une source proche de l’instruction. « Question de vie ou de mort, n’emportez rien, quittez la ville dès demain matin. »

Je ne suis qu’une niçoise « coupée à l’eau qui … connait assez les coutumes et les traditions niçoises pour faire illusion le temps d’une soirée, mais c’est tout. » Un petit conseil : « Veille à peaufiner ta culture niçoise ou tu risquerais de te faire démasquer et jeter dans le port. Et pour te fondre un peu plus dans la masse, mange un peu plus de morue, ça rehausse le teint. » (sic)

Il arrive accompagné de quatre hommes, policiers et juge d’instruction, ils marchent tous d’un même pas déterminé. Il n’est pas menotté pour la perquisition de l’appartement, une perquisition bourgeoise, sans tiroirs renversés, sans livres jetés à terre… Ils ne s’arrêtent pas devant le grand vaisselier du salon, est-ce que le révolver y est encore ?

Qu’est-ce qu’un fait divers ? Sont rangés sous cette rubrique des événements de nature et d’importance si variées. Peut-être plus manifeste encore dans les quotidiens régionaux. Qu’est-ce qui nous intéresse dans un fait divers ? La part de mystère et donc de fiction qu’il porte ? Faut-il qu’il y ait une mort pour que le fait divers prenne toute son ampleur ? Les disparitions aussi sont fascinantes, celles dont on ne déduit ni meurtre ni violence, mais les disparitions volontaires, où les personnes semblent s’évaporer purement et simplement dans la nature.

Le jeune juge d’instruction ne retiendra contre lui que de faibles charges dans la première affaire. Une reconnaissance indéfectible liait cet homme à notre famille dont un membre avait sauvé son père durant la guerre.  Une mutation dans une juridiction reculée sera le prix de sa loyauté secrète.

 

Sur le Tiers Livre de François Bon les contributions de celles et ceux qui ont oser se lancer dans l’aventure du fait divers : écrire… avec Laurent Mauvignier, caméra subjective