la nuit d’avant
La nuit d’avant une chambre de passage, le sac déjà prêt, très peu d’affaires, le minimum, l’indispensable mais qu’est-ce qui est vraiment indispensable ? vérifiant une nouvelle fois que tout y est le téléphone en train de se charger pensant à elle se demandant si espérant que pourquoi avoir pris Lord Jim ? pourquoi pas même quand il y a peu de temps pour lire, la présence d’un livre est toujours mais pourquoi Lord Jim ? cette tension qui s’installe insidieusement de la fenêtre on ne voit pas la rue, juste les hauts murs de la cour, sombres, sales la pluie tiède s’abat d’un coup sur le béton, elle frappe les vitres fermant les yeux pour l’écouter s’écraser au sol ou rebondir sur le plastique dur des poubelles alignées dans la cour en attendant que ça se calme pour descendre acheter une soupe au restau thaï évitant de trop penser de se projeter demain ou après-demain quand le ferry accostera à ça ne sert à rien regardant l’heure qui sursaute de seconde en seconde sur la montre non connectée une antiquité qui fonctionne très bien, a assuré le vendeur, avec un mécanisme de haute précision garanti deux ans évitant aussi d’imaginer ce qui pourrait se passer avant l’embarquement tout ce qui pourrait empêcher que il faudrait dormir, au moins un peu, pour avoir assez d’énergie demain, assez de vigilance pour ne pas trop penser mais tout de même revoir dans sa tête le parcours jusqu’au port visualiser le carrefour où la retrouver finalement rester dîner au restaurant thaï car les trombes d’eau n’ont cessé qu’un instant, le temps de s’en apercevoir, de descendre les huit étages et d’entrer dans la grande salle impersonnelle, aux chaises noires vernies, aux clients clairsemés des crevettes pimentées une bière un peu sucrée une lourdeur en remontant à la chambre dépliant la carte des îles l’archipel de Wanshan plus d’une centaine d’îles répertoriées et tous ces îlots trop petits pour y figurer le téléphone est complètement chargé activer l’alarme du réveil résistant à l’envie de l’appeler