transit

24 mai, 14h30. On entre dans le camp de transit, un grand bâtiment impersonnel, aéré. On y entre sans trop de formalités. Ce n’est pas un camp fermé, d’ailleurs les résidents peuvent sortir en ville s’ils le souhaitent. En général ils ne sortent pas. Trop peur d’un problème à l’extérieur, il y a tant de contrôles, si tatillons, un malentendu pourrait tout compromettre, pourrait retarder leur départ. Ici il n’y a qu’à attendre. D’ordinaire trois ou quatre jours, le temps de boucler les démarches administratives avec les consulats. Trois ou quatre jours de calme et d’espoir après les mois d’enfermement. Et rien que le fait de savoir qu’on peut, qu’on a le droit de sortir… Les trois sœurs n’ont pas voulu sortir, même pour faire les courses au petit marché voisin. Elles n’ont pas voulu risquer l’incident qui aurait… elles s’envolent après-demain pour le Canada. Elles ont donné de l’argent à C pour les courses. Vous les retrouvez dans le grand réfectoire. Elles vous montrent leur chambre : une table, trois chaises, une petite armoire, deux lits superposés, la quatrième place inoccupée. Une chambre toute simple et propre. C’est important la propreté après huit mois dans une telle promiscuité. Il y a peu de monde en ce moment dans le camp de transit. Vous vous installez avec elles dans le coin cuisine. Vous déballez ce que vous avez acheté : les cébettes, les champignons noirs, une boite de crabe, des crevettes, du riz, des feuilles de riz, des pousses de soja, une salade… G arrive avec des bières. Elles veulent tout faire, vous pouvez à peine couper les oignons. Elles sont heureuses de préparer un repas pour fêter leur départ, un repas pour C, G et toi, leur amie de France. Elles parlent bien le français, elles avaient commencé à l’apprendre au Vietnam, mais en quelques mois elles ont fait de gros progrès. Elles évoquent des anecdotes durant les cours de C ou G, elles sourient, elles plaisantent mais de leur passé, de leur pays, de la famille et des amis qu’elles y ont laissés il ne sera jamais question, il y a cette zone de silence qui s’étend derrière les sourires.