escale

4 avril, 10h15. On entre dans une zone d’incertitude       une drôle de sensation      être là amarré au quai à attendre      sans savoir combien de temps durera l’escale     l’équipage ne dit rien, si ce n’est qu’il ne sait pas dans combien de temps on repartira      en tout cas pas avant demain matin et même plutôt après-demain      le bateau est à quai depuis hier     en général, les gens aiment bien descendre pendant les escales, retrouver la sensation de la terre ferme, avec les jambes qui flageolent par moment à vouloir contrebalancer des vagues fantômes       d’ailleurs L. est descendue avec l’Anglaise pour aller faire un tour au marché       elle n’a pas écouté ta mise en garde     elle n’a pas envie de t’écouter en ce moment      certains parlent d’une avarie     tu te demandes si tu vas descendre aussi       faire le tour du port      tu éviteras le mari de l’Anglaise qui pourrait te proposer d’aller prendre un café à un des bistrots en face du quai       c’est un brave type mais tu as envie d’être seul        puisque tu ne peux pas être avec L.      et puis ce truc de se balader les femmes d’un côté les hommes de l’autre      surtout tu as besoin d’être seul pour rester à l’affût     mais que faire de son carnet     car si tu descends il faut prendre toutes tes affaires, quasiment      au cas où il faudrait rester à terre      ou prendre à la hâte un autre bateau       le peu d’affaires que tu as emportées, serrées dans le sac à dos, personne n’y verra rien      mais son carnet, tu ne peux pas le laisser dans la cabine       impossible     si quelqu’un le trouvait      tu ne peux pas non plus le prendre avec toi     si elle s’en rendait compte ce serait terrible     du hublot tu scrutes le quai à travers l’épaisseur de la vitre, du verre souillé de traces multiples      tu hésites     savoir que tu peux descendre à tout moment, si ça te chante, ça ne fait qu’accroître ton incertitude