…et répliques

Le livre ne s’arrête pas là, à sa dernière ligne, quand on se résigne enfin à le refermer. Il ne pouvait pas s’arrêter là. Je ne sais pas si l’auteur avait prévu dès le départ qu’il se poursuivrait dans un projet un peu différent, chez un autre éditeur, avec un ouvrage dans lequel le texte serait suivi d’une cinquantaine de photos, des photos en noir et blanc pour saisir une ville des corps des visages qui ploient sous la moiteur, une ville aux couleurs vives ternies par la corrosion de l’air marin. Je ne sais pas si l’auteur avait envisagé une suite quand il a écrit Le livre. Quatorze années séparent les deux publications. Mais je crois qu’il n’a pas pu en finir comme ça avec l’atmosphère de la ville, avec son personnage, qu’il lui fallait revenir traverser cet univers et que la seule façon d’en finir avec son personnage était de le tuer. Sa mort est annoncée dès le début, on ne s’embarrassera donc pas de faux espoirs, mais on s’accrochera tout de même à lui à l’approche de son exécution, à la retraversée de ses souvenirs dans les artères de la ville, dans le détail des lieux des situations ressurgies, rappelant celle qu’il a tant aimée et qui a disparu, on suffoquera avec lui dans la puanteur des arrière-cours en frôlant les bassines où surnagent des têtes de poissons, on vivra avec lui par la vigueur de la langue les dernières convulsions de la vie en attendant la venue d’un tueur.

Entendre la voix de l’auteur lire le texte intégral du deuxième livre, en 2014 ou 2015, résonnant dans la salle de la Maison de la Poésie, c’était plonger dans une sorte d’hypnose collective, nous étions soixante, quatre-vingts ? dans une tension d’écoute extraordinaire et quand à la fin l’auteur a prononcé les derniers mots «  C’est fini. » personne n’a bronché, nous sommes restés immobiles, silencieux, comme si nous attendions encore une suite. Alors il a répété «  Cette fois c’est fini, c’est vraiment fini. »

Pour le nouvel atelier d’été de François Bon, Comédies Humaines, écrire un texte sur un roman qui nous a marqués, les circonstances de sa découverte et de sa lecture, sans citer les noms du roman et de son autrice/auteur.