
La plage. Des milliers de galets, de pierres, de cailloux blancs, gris, verdâtres, bleutés, mouchetés d’ocre, parfois pailletés, parmi lesquels il sera difficile de choisir les deux ou trois spécimens à prélever pour souvenirs. De hautes collines sombres enserrent le lac. Debout dans l’eau, un homme d’environ trente-cinq ans à la barbe clairsemée porte un petit enfant qui rit et gigote de plaisir lorsque des vagues viennent lui mouiller les pieds. Sa femme, grande brune en maillot de bain rose, leur lance quelques mots de la rive avant de rejoindre un garçon et une fillette plus âgés qui jouent au bord de l’eau. A l’extrémité de la plage se dresse l’enceinte d’un petit port. De larges nuages s’étendent au-dessus des collines. Sur une serviette jaune et bleue, des habits soigneusement pliés et des tongs noires de grande pointure posées sur un journal où on peut lire theguardian et en dessous le titre d’un article sur deux colonnes: Chinese authorities investigate mass fish death. Une flottille de canards s’approche du bord ballotée par les remous consécutifs au passage d’un petit ferry. Deux jeunes femmes assises, jambes nues repliées sur la poitrine, discutent. Elles ont gardé leur tee-shirt, l’une d’elles est allée tremper son pied pour évaluer la température de l’eau. Un village aligné au bord de la rive opposée semble écrasé sous la hauteur des collines boisées. L’eau translucide laisse apparaître distinctement le fond aux pierres verdies par les algues visqueuses, mes pieds immobiles, mes mollets frôlés par un ballet saccadé de petits poissons fins. Un couple d’une quarantaine d’années, long corps mince à la peau cuivrée par une pratique assidue des bains de soleil, contemple en souriant – un rien de condescendance dans l’attendrissement – les jeux des trois enfants avec leurs parents. Le bourdonnement d’un petit hydravion survolant le lac à basse altitude fait infléchir leur tête dans sa direction. Derrière l’enceinte du port, s’élève un campanile fraîchement repeint en jaune et brun. Les nuages un moment retenus par l’arrête des collines descendent sur le lac. Au centre, l’eau s’assombrit, elle semble lourde, eau de mercure orageuse. Assis côte à côte sur un muret à l’arrière de la plage, un homme vêtu d’un bermuda et d’un polo bleu nuit et une adolescente blonde lisent. A leurs pieds un sac, des habits laissés pêle-mêle, des sandales et deux serviettes de bain étalées. Le son d’une cloche vibre dans le calme de l’après-midi. Trois fois. D’un crawl lent et délié, un homme longe la plage à une cinquantaine de mètres du bord.
Vers le fantastique atelier proposé par François Bon durant l’été 2015 | #6 juste avant, tout juste