“… je lisais, d’abord pour ne pas m’endormir, puis plus attentivement, puis avec avidité ; devant moi s’ouvrirent soudain beaucoup de choses nouvelles, dont jusqu’alors je n’avais rien soupçonné, j’avais tout ignoré. De nouvelles pensées, de nouvelles impressions, soudain, affluèrent en vaste fleuve vers mon cœur. Et plus l’émotion était grande, plus l’accueil de ces nouvelles impressions me coûtait de troubles et d’efforts, plus ils m’étaient chers, plus doux était le trouble qui me bouleversait l’âme. Soudain, d’un coup, ils s’amassèrent dans mon cœur, sans le laisser se reposer. Une espèce de chaos étrange bouleversa tout mon être. Mais cette violence de l’esprit ne pouvait pas m’ébranler complètement, elle n’était pas assez forte pour le faire. J’avais l’âme trop songeuse, et cela me sauva.”

 Dostoïevski. Les pauvres gens.
Traduction d’André Markowicz