Émanations de sucre tiède… du vanillé, du lacté, du chocolaté… Senteurs des pâtes levées, gonflées, beurrées… Opulence presque écœurante… s’il n’y avait cette fraîcheur de béton mouillé que l’averse souffle à travers la pasticerria… l’amertume lancinante du café qui goutte du percolateur… et ce parfum d’herbes tendres qui frôle ton bras quand elle secoue ses longs cheveux devant la profusion de beignets bombés, d’éclairs vernissés, de babas poudrés de sucre glace.

Froide, lourde, anguleuse, l’armature métallique de la chaise que tu tires pour t’asseoir en face d’elle. Ses épaules nues dont tu imagines la moiteur sous tes paumes. Des grains de sucre de ton beignet roulent sous la pulpe de tes doigts. Les éclats de pierre qui ornent la petite table ronde où vous vous êtes installés impriment des petits angles sur la peau de tes avant-bras.

Tu mords dans ton beignet. La consistance élastique de la pâte cède sous ta morsure et la crème onctueuse afflue dans ta bouche. Son épaisseur, sa saveur emplissent toute ta bouche. Tu aimerais engloutir un morceau plus gros encore, un morceau énorme… tes joues se déformeraient, la crème baverait à la commissure de tes lèvres, les yeux noirs en face à toi s’écarquilleraient… tu savoures cette idée en goûtant la densité du caffè stretto qui s’écoule dans ta gorge. Les derniers grains de sucre crissent entre tes molaires.

 

 

Texte écrit pour l’atelier d’été de François Bon – Tiers Livre : Construire une ville avec des mots.
Proposition #10 :  explorer la relation de l’écriture aux autres sens que la vue et l’ouïe : l’olfactif, le toucher, le goût, en 1 texte comme en 3…