Boulevard Eugène Spuller | l’impulsion première sur les larges trottoirs et le plaisir des premières promenades tenant ta main, de retour du jardin Darcy comme chaque jour, éternité furtive partagée avec toi qui habite presqu’en face de moi sur le boulevard.

Rue de la Sablière | dans la pénombre, la douce retraite d’une grand-tante célibataire.
Rue Sambin | un nom qui souvent revient, le nom d’un lieu dont je ne connais que le nom.

Boulevard de Troyes | la départementale 971 sort de la ville et longe une zone pavillonnaire | déménagement boulevard de Troyes, nous n’habitons plus le même boulevard,  nous n’irons plus chaque jour main dans la main | se replier dans le jardin privé, camouflée dans les feuillages à observer les jardins voisins.

Ecole maternelle, rue inconnue, perdu le nom des instituteurs, déjà les patronymes se brouillent, les autres enfants semblent si grands, si adroits.

Rue Paul Thénard | ta maison style années trente, les motifs de son portail noir, les craquements de fantômes dans la chambre d’ami où je reste dormir parfois, à nouveau marcher avec toi, se promener, musarder rue des Marmuzots.

Ecole primaire rue Charles le Téméraire, les hannetons emprisonnés dans des boîtes d’allumettes trouées, le ballon prisonnier, devenir moins sauvage, conter des histoires au petit groupe d’amies assis en rond.

Dimanche route de campagne, Is-sur-Tille, Til-Châtel, silence dans la forêt de Velours, Fontaine Française, Montigny-sur-Vingeanne, descendre à la rivière, tâches d’ombres et de soleil, Montigny-Mornay-Villeneuve sur Vingeanne, agglomérat de communes impuissantes devant la désertification rurale, où coule toujours la petite Vingeanne au pied des arbres.

Place Darcy ­| faire le tour de la place Darcy en voiture en rentrant de la gare pour remonter Victor Hugo ou descendre rue de la Liberté.

Montchapet | collège rue François Pompon, sculpteur de l’Ours blanc dont une reproduction grandeur nature surveille l’entrée du Jardin Darcy où nous n’allons plus jamais, déambuler avec des amis rue de la paix, rue Louis Devillebichot, rue Paul Langevin, sentiment de liberté, descendre l’avenue Victor Hugo pour danser chez Mme Franck, rare patronyme incrusté dans la mémoire.

Villeurbanne pour Noël, retrouvailles dans le petit appartement à l’angle de la rue Francis de Pressensé et de l’avenue Commandant l’Herminier, suivre le cours Emile Zola, la rue Anatole France pour la promenade rituelle vers les gratte-ciel avenue Henri Barbusse, le TNP et la mairie aux piliers cannelés où mes parents se sont épousés.

Transplantée au soleil avenue de Lattre de Tassigny, vie avec vue sur mer, ce rêve qui n’est pas le mien, avenue des Broussailles, rue Saint-Nicolas, Lycée Bristol, rejet massif du bleu, du bleu étincelant, des innombrables palmiers, de la fausse bonhommie, des couleurs saturées, de la rue Meynadier, de la rue d’Antibes, des boutiques chic, des boutiques moches, de tout ce bloc présent qui pétrifie, avenue du Petit Juas, blancheur des murs,  déchiffrer laborieusement sous le regard aigu de Mme Dragacci, MJC Picaud, boulevard du Riou, avenue de la Croix des Gardes, les collines d’or et ce sentiment du sud qui coupe à vif, heureusement tu nous as suivis boulevard Montfleury avec Victor qui voit les rues de Dijon se superposer aux rues de Cannes, et si au bout des avenues larges comme des ruelles je retrouvais les artères de ma ville natale mais les virées en mobylette s’étirent sans mener autre part, il y a des trouées solaires aussi, boulevard Carnot, Lycée Carnot, l’humour, l’humanité de Mme Bonetti, professeur de philosophie.

 

Ce texte a été écrit dans le cadre de l’atelier d’écriture proposé par François Bon Back to basics 2, | Autobiographie des noms propres.