aujourd’hui
aujourd’hui, les fenêtres du matin ouvertes sur l’air frais, lisant Près du cœur sauvage de Clarice Lispector, assise dans le salon en attendant A, sachant qu’elle ne viendra sans doute pas mais tout de même prête à partir avec elle, prête à l’accompagner. Une chaleur blanche gonfle dans la ville. Transporter les géraniums sur un rebord de fenêtre de la cour intérieure, peut-être qu’ils seront mieux là qu’exposés au soleil violent de ces derniers après-midis.
jeudi dernier, j’ai essayé de livrer quelques réflexions en italien sur aujourd’hui et en particulier sur l’expression Au jour d’aujourd’hui car nous avions carte blanche pour parler de ce que nous voulions et j’avais envie de m’insurger doucement contre la condamnation trop rapide selon moi de cette expression. J’avais envie d’exprimer le vertige qu’on peut trouver dans cette formule, dans sa quête impossible, presque touchante du présent de ce jour, une mise en abîme sans fin puisqu’aujourd’hui signifiait déjà à l’origine au jour d’aujourd’hui, hui signifiant alors aujourd’hui. Mais je n’ai pu exprimer que quelques bribes de ce que je voulais dire, trop remuée encore par l’annonce du décès de T.
aujourd’hui, à l’autre bout de la ville, son corps repose, étendu, accessible pour une courte demie heure aux proches qui voudront la voir et lui dire adieu. Finalement nous n’irons pas, A sans doute trop bouleversée a décidé de ne pas y aller. Je la rejoins pour le déjeuner, nous ne parlons pas d’elle. Mais son image, son souvenir s’intercale dans nos silences, au restaurant indien puis dans notre marche le long de la voie ferrée désaffectée de la petite ceinture. Après l’avoir laissée, je suis la Coulée verte jusqu’à Bastille, entre feuillages et soleil plombant.