quand Song lisait en chantonnant

Quand Song avait encore de la joie en lui, il lui arrivait souvent de lire des poèmes en les susurrant ou en les scandant parfois les fredonnant ou les grognant selon les vibrations qu’un texte déclenchait en lui et perdant parfois quasiment conscience de qui se trouvait autour de lui, il tournait sur lui-même en les chantonnant y compris quelquefois durant ses cours comme cet après-midi où après les derniers mots d’un poème de Wang Wei    à l’improviste un jour je partirai    pourquoi attendre le crépuscule de ma vie ?    il s’était exclamé devant une trentaine d’étudiants médusés   Mais oui, mais oui ! Pourquoi devrais-je attendre ?    du reste Song n’aurait su dire où il aurait voulu aller    partir signifiait pour lui vivre, vivre vraiment comme la poésie l’y appelait, le faisant trembler d’une vibration pleine, exigeante, sans compromission à laquelle il aspirait, à laquelle ressemblait si peu sa vie vécue sous surveillance, une vie qu’une sourde tristesse d’enfant gangrénait peu à peu, obscurcissant même son amour pour Mirna – ce qu’il se refusait à voir – et s’enroulant dans le rythme des mots qui l’habitaient il tournait comme un derviche pour que la transe l’emporte au loin   loin   avant que soudain Suddenly from outside, a bell spoke out, then ceased abruptly : dolente… dolore !  la douleur creuse qui vrillait son souffle, il voulait s’en délester, il voulait passer outre et il ouvrait d’autres pages, absorbant dans ses joues dans sa gorge dans sa langue des sentences with dirt and the sun with punctuation and the rain qu’il faisait résonner avec un accent que deux saisons humides passées au St Catharine’s College avaient imprégné d’une tonalité si chantante.

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