traversée
Un de tes trajets possibles de Trieste vers K. (avec une traversée des steppes inaboutie) :
- Tu avais reçu le signal du départ en fin de matinée à l’Antico caffè San Marco de Trieste – plus tard le Réseau dirait que c’était sous une arcade de la Piazza Guglielmo Oberdan que tu avais été contacté
- Tu devais aller à Ljubljana par tes propres moyens, tu as pensé à Luisa
- tu n’avais pas quatre ou cinq identités différentes sur des passeports dissimulés dans un coffre de banque ou dans le double-fond d’une mallette comme les espions de cinéma au XXème siècle, mais une carte magnétique reliée à la puce incrustée sous ta clavicule – où tes données personnelles se modifiaient quand tu croisais une borne du Réseau placée sur ton chemin
- L’expression « données personnelles » t’avait toujours amusé
- Jay Trafford ou Trafford Jay, c’est ce que tu m’as dit
- Le problème c’est que ta carte n’a pas « borné » avant Atasu
- Dans le train entre Ljubljana et Belgrade, tu as rencontré un homme, à peu près ton âge, vous avez fumé des cigarettes dans le couloir et parlé une partie de la nuit – tu te retournais sur ta couchette sans pouvoir t’endormir, pour la première fois un homme te plaisait, beaucoup, ta conscience refusait de l’admettre
- le lendemain matin tu ne l’avais pas revu en arrivant à Belgrade
- juste avant de prendre un autre train pour Bucarest tu avais reçu un message – changement de programme, un car pour Buzău serait plus discret
- le sentiment d’être suivi tu appliques le protocole mais tu ne connais pas les lieux tu te retrouves au centre-ville si on peut parler d’un centre il t’attend à l’angle de deux rues cette fois il dit s’appeler Rod il est plus tendu que dans le train
- tu ne savais pas s’il te surveillait ou s’il te protégeait ou les deux à la fois
- Ensuite, Tulcea, toujours en Roumanie puis un bateau pour Sébastopol, Crimée la Mer Noire vous faites le voyage ensemble
- Astrakhan, au bord de la mer Caspienne, près de l’embouchure de la Volga, un arrêt imprévu pendant presque un mois
- Tu parlais russe, assez bien pour donner le change, parfois on te croyait mongol
- Les routes n’étaient plus suffisamment sures – l’influence du Réseau dans la région était en chute libre
- Que faire alors ? s’appuyer sur un réseau secondaire comment trouver des alliés sûrs quel nouveau plan élaborer
- traverser la Mer Caspienne jusqu’à Tcov était la première option
- Finalement le Réseau a décidé que tu remonterais par les terres, Rod t’a aidé à trouver un camion
- Au travers des longues terres sèches, ta fluidité numérique s’épuisait – le Réseau avait perdu ta trace
- les steppes tu ne pouvais rien voir dans la cale du camion des jours et des nuits dans la pénombre – le double fond éventré
- Peu après Qyzylzhar, le camion a quitté la route d’Atasu et fait un dernier détour vers Qarajal – depuis un moment tu sentais bien que tout ne se passait pas comme prévu