Gilberte

” Ainsi passa près de moi ce prénom de Gilberte, donnée comme un talisman qui me permettrait peut-être de retrouver un jour celle dont il venait de faire une personne et qui, l’instant d’avant n’était qu’une image incertaine. Ainsi passa-t-il, proféré au-dessus des jasmins et des giroflées, aigre et frais comme les gouttes de l’arrosoir vert ; imprégnant, irisant la zone d’air pur qu’il avait traversée — et qu’il isolait — du mystère de la vie de celle qu’il désignait pour les êtres heureux qui vivaient, qui voyageaient avec elle ; déployant sous l’épinier rose, à hauteur de mon épaule, la quintessence de leur familiarité, pour moi si douloureuse, avec elle, avec l’inconnu de sa vie où je n’entrerais pas.”

Rangeant, nettoyant la bibliothèque, je suis retombée sur ce merveilleux passage de La Recherche quand le petit narrateur apprend le prénom de la toute jeune fille dont l’apparition l’a saisi.