retourner à K.

Retourner à K., poursuivre la construction de cette ville, de son univers. Hier en replongeant dans le projet, j’ouvre un fichier intitulé Bibliographie K. et dans cette liste, entre Le devisement du monde et le Yi Jing, je lis sans vraiment lire Les villes interdites. Le mot interdites ne me saute pas au visage, peut-être parce qu’il commence et finit de la même façon, qu’il comporte le même nombre de lettres. Mon œil corrige instinctivement ce que mes doigts ont tapé. Il y a seulement une sensation étrange, vague, un effet d’incongruité dissimulant la violence de la substitution du mot. Quand je réalise mon erreur, je reste interdite.

De tous les changements de langue que doit affronter celui qui voyage dans des terres lointaines, aucun n’égale celui qui l’attend dans la ville d’Ipazie, parce qu’il ne touche pas aux mots mais aux choses. J’entrai dans Ipazie un matin, un jardin de magnolias se reflétait dans une lagune bleue, moi-même j’avançais entre les haies assuré de découvrir de belles et jeunes dames au bain : mais au fond de l’eau, les crabes mangeai14ent les yeux des suicidées la pierre au cou et les cheveux verdis par les algues.

ITALO CALVINO, LES VILLES INVISIBLES, FOLIO, P. 61

Depuis quelques jours, Les villes invisibles frappent à ma porte, appellent à être relues, insistent.

Dessin © Karina Puente