Vu à travers des jumelles et depuis le 19ème étage de la tour, comme je m’en assurai le soir même, peu après le coucher du soleil, le bâtiment du BCMO présentait une dimension militaire qui le désignait à des ravages d’une tout autre ampleur que ceux perpétrés jusque-là par les squatteurs. Il est vrai que tout ce qu’on regarde de haut et avec des jumelles peut apparaître indûment comme une cible. Et cette règle, en l’occurrence, pouvait donc s’appliquer à la plupart des objets, progressivement noyés dans l’ombre, qui se détachaient encore sur fond de ciel crépusculaire, aplatis les uns sur les autres par l’illusion d’optique qu’engendre le grossissement des jumelles : le câblier d’Alcatel, avec sa haute coque bleu sombre, en arrêt de travail dans la darse n°2, le ferry Canterbury occupant une position similaire dans la darse n°4, ou de part et d’autre de celle-ci le long et large bâtiment du hangar aux textiles, et celui, plus récent du terminal sucrier.

Jean Rolin. Terminal frigo