Maintenant tu as les yeux légèrement bridés. Tes iris sont gris, parfois on les voit bleus. Tu aimes te fondre dans les foules, être une particule dans la masse. Tes cheveux sont coupés court, parfois très court, laissent apparaître ton cuir chevelu. Tu as changé de vie plusieurs fois. Tu aimes te lever tôt, te coucher tard. Tu écris encore des algorithmes. Tu aimais les îles, tu éprouvais à leur approche une insouciance qui te fait cruellement défaut. Parfois tu dors à en perdre la notion du temps, tu crois sentir dans ces sommeils lourds un avant-goût de la mort. Tu ne cherches plus tes origines, tu t’es inventé une autre enfance, d’autres souvenirs. Tu descends vers les docks et ton cœur bat plus vite. Tu bois beaucoup, de plus en plus. Tu aimes marcher dans les villes, sillonner leurs périphéries. Au fil du temps, ta peau s’est teintée d’un hâle que la pollution a terni. Tu parles de moins en moins. Tu franchis des zones indistinctes, des centres commerciaux en construction, des pavillons désertés, des terrains de foot défoncés. Tu reviens toujours vers les quais. Parfois tu ris tout seul. Tu as plus de mal qu’avant à te concentrer. Tu ne sais plus bien distinguer le réel de la fiction, plus le temps passe plus tu penses qu’il est vain de les distinguer.