“Je n’ai jamais gardé de troupeau,
mais c’est comme si j’en avais gardés.
Mon âme est comme un berger,
elle connaît le soleil et le vent
elle donne la main aux saisons
elle suit et elle regarde.
Toute la paix de la Nature inhabitée
vient s’asseoir à mes côtés.
Mais je suis triste comme un coucher de soleil
en pensant à notre imagination,
lorsque le froid monte là-bas du fond de la plaine
et que l’on sent entrer la nuit
comme un papillon par la fenêtre.

Mais ma tristesse est sereine
parce qu’elle est naturelle et juste,
comme doit être notre âme
quand elle sent qu’elle existe,
alors les mains cueillent des fleurs sans qu’elle s’en aperçoive.
Pareil à un bruit de clochettes
au-delà du tournant de la route
mes pensées sont joyeuses.
Ma seule peine est de les savoir joyeuses
parce que, si je ne le savais pas,
au lieu d’être joyeuses et tristes
elles seraient allègres et joyeuses.”

Extrait du poème Le Gardeur de troupeaux d’Alberto Caeiro.
Traduit du portugais par Rémy Hourcade et Jean-Louis Giovannoni.