夏至 Geshi – Solstice d’été

Couper et mélanger une pastèque, deux avocats, un concombre, de la fêta, quelques fraises, parsemer le tout de pignons grillés et assaisonner d’huile d’olive cette belle salade qui fera notre repas. Je suis au four et au moulin, et plus précisément aux courses, au ménage, aux lessives, à la cuisine car Noah doit se reposer et éviter de nombreux gestes avec ses bras après son opération. Mais ce n’est pas une corvée. Nous cohabitons plutôt bien dans son 18 mètres carrés. Je passe aussi du temps dehors pour nous laisser respirer chacun de notre côté, prolongeant le parcours des courses, des allers retours à la laverie autant que possible. Découvrir le quartier autour de l’Institut Lumière, de la place Ambroise Courtois et au-delà, essayant de capter parfois un peu de cette sensation-souvenir du Lyon connu dans l’enfance. Je marche, je photographie quelques beaux vaisseaux urbains.

Je dors mal : inconfort, contre-coup d’inquiétude ou angoisse devant le risque de voir le RN accéder au pouvoir ? Je n’arrive pas à dormir avant deux ou trois heures. Le matin quand je me réveille, il y a quelques instants où le cauchemar n’a pas encore refait surface. Et puis ça ressurgit, ça plombe l’air mais il faut continuer à respirer, à bouger et ne pas abandonner notre joie de vivre.

Je trouve un peu de temps pendant que Noah dort ou lit pour participer à l’atelier d’été de François Bon. Je suis toujours partagée entre l’envie d’écrire en partant de rien (si ce n’est de la proposition d’écriture, une chaque jour cet été…) ou de suivre les propositions en restant dans l’univers de K. Maintenant que Noah reprend des forces nous allons presque tous les jours faire un petit tour chez Bricorama, l’occasion de lui faire de petits cadeaux. Dimanche nous allons voir le très beau et émouvant Tombeau des lucioles d’Isao Takahata dans une grande salle de l’Institut Lumière. Chaque jour, nous étendons le périmètre de nos promenades à mesure que son énergie revient. Il me fait découvrir le parc Blandan. Quand je repartirai S. viendra me relayer puis ce sera au tour d’Alice.

De retour à Paris, j’ai ouvert Le livre, le livre entre tous. Chaque fois que je le lis, le sentiment que pour moi c’est le livre entre tous. L’an dernier, je l’avais oublié dans le train en rentrant de Lyon justement où j’avais été chercher un appartement pour Noah. Je commence à le relire. Les phrases dérangent mon corps, mon organisation mentale. Je ne les comprends pas mais elles agissent sur moi, je le sens, je le souhaite. Ou alors je ne les comprends que trop bien mais dans une telle fulgurance que leur effet m’a déjà transformée et je n’y comprends plus rien. Le livre est traduit dans ma langue natale (je comprends les personnes qui ont appris le portugais rien que pour pouvoir lire Clarice Lispector dans le texte, si j’étais plus jeune je ferais pareil), ma langue natale qui ne m’a jamais semblé aussi étrangère, aussi belle.

Matt et moi partons pour le Jura.