la porte vitrée

Je ne me souviens pas avoir franchi la porte. Dès que je l’ai aperçue dans l’obscurité, elle s’est ouverte et je me suis retrouvée de l’autre côté. C’est ce qui s’est passé, elle s’est ouverte et elle m’a absorbée. Je me suis retrouvée de l’autre côté. De l’autre côté de l’appartement où j’habitais. Mais pas chez mon acariâtre voisine. Comme s’il y avait eu un espace inattendu, assez vaste, entre mon appartement et celui de la voisine. Un couloir sombre. Jamais entrevu. J’ai avancé dans ce couloir obscur sans crainte. Quelque chose que j’attendais depuis longtemps, confusément, était en train de se produire. Plus j’avançais, plus le couloir se matérialisait. Il était fait au départ d’une pénombre de rêve – je crois que je dormais la première fois que je m’y suis aventurée – édifié dans un brouillard de matière qui se durcissait peu à peu en murs au crépi ocre, pour autant que je pouvais identifier une couleur dans cette pénombre. Le couloir était long, je marchais sur un sol meuble et bientôt je pris le virage qui l’incurvait vers la droite en sachant pertinemment ce qui allait se passer. Ma lucidité était déjà implacable. J’aperçus à l’extrémité du couloir l’étroite porte vitrée qui devait fatalement s’y trouver. Un rectangle de clarté vive. Il était peut-être encore temps de faire demi-tour. J’essayais de ralentir mes pas en approchant de la porte vitrée mais il y avait quelque chose dans le mouvement de mon corps qu’il était impossible de freiner. Comme une extrême avidité. Je réussis de justesse à m’arrêter juste avant de toucher la porte. J’étais là derrière elle. Une lumière aveuglante m’empêchait de voir ce qu’il y avait de l’autre côté. Au demeurant je n’avais pas besoin de voir pour savoir ce qu’il y avait derrière la porte. La seule chose qui m’arrêtait était la nécessité de souffler quelques secondes pour penser à une décision que j’avais déjà prise. Puis j’abaissai la poignée de la porte.

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