écrire K. après moi

Treize instructions à mon fils pour écrire K. après moi :

  1. Visite les catacombes, la cathédrale sous la Défense, les sous-sols d’une Skyline, celle que tu voudras, imprègne-toi de l’humidité, du vide sous les Fondations — respire, prends des notes
  2. Fouille mes carnets : celui de L., Structure de L., le Bœuf Suant, celui de PTC, toutes les ramifications du dossier L. sur mon ordi (mot de passe : b*******) — bon courage
  3. Termine le grand plan de Long Mercy Camp, applique-toi à dessiner le feuillage des arbres, les étals du marché, le toit de la pagode en vision aérienne — écrire n’est pas qu’écrire
  4. Quand la peine d’écrire viendra, ne t’arrête pas, poursuis encore une heure ou deux ou trois — fatigue ton moteur
  5. Quand écrire coule trop facilement pendant longtemps, arrête-toi — sors, cours dans la chaleur, cours dans le froid
  6. Refuse la facilité du narratif, bien sûr il y a plein d’histoires dans K. mais c’est surtout un univers-langue que tu construiras après moi — les histoires sont secondaires
  7. Intègre la notion du temps selon la relativité générale, désapprends que le temps s’écoule — tu seras beaucoup plus adroit que moi pour en disséminer les conséquences dans le récit
  8. Marche dans la ville, dans n’importe quelle ville assez grande, marche dans les rues que tu ne connais pas — perds-toi
  9. Trouve un nœud du texte déjà écrit où mêler ton style au mien, comme notre sang commun — si tu veux, réécris tout
  10. Relis Alice au pays des merveilles, découvre Le città invisibili — sois plus ouvert à Calvino
  11. Fais le vide en toi
  12. Efface ces instructions, tu n’as plus rien à apprendre de moi — K. est à toi
  13. Il reste juste un signe microscopique sur le scarabée d’or de ton arrière-grand-mère — n’en parle à personne (sauf à ta sœur)