
écrire K. après moi
Treize instructions à mon fils pour écrire K. après moi :
- Visite les catacombes, la cathédrale sous la Défense, les sous-sols d’une Skyline, celle que tu voudras, imprègne-toi de l’humidité, du vide sous les Fondations — respire, prends des notes
- Fouille mes carnets : celui de L., Structure de L., le Bœuf Suant, celui de PTC, toutes les ramifications du dossier L. sur mon ordi (mot de passe : b*******) — bon courage
- Termine le grand plan de Long Mercy Camp, applique-toi à dessiner le feuillage des arbres, les étals du marché, le toit de la pagode en vision aérienne — écrire n’est pas qu’écrire
- Quand la peine d’écrire viendra, ne t’arrête pas, poursuis encore une heure ou deux ou trois — fatigue ton moteur
- Quand écrire coule trop facilement pendant longtemps, arrête-toi — sors, cours dans la chaleur, cours dans le froid
- Refuse la facilité du narratif, bien sûr il y a plein d’histoires dans K. mais c’est surtout un univers-langue que tu construiras après moi — les histoires sont secondaires
- Intègre la notion du temps selon la relativité générale, désapprends que le temps s’écoule — tu seras beaucoup plus adroit que moi pour en disséminer les conséquences dans le récit
- Marche dans la ville, dans n’importe quelle ville assez grande, marche dans les rues que tu ne connais pas — perds-toi
- Trouve un nœud du texte déjà écrit où mêler ton style au mien, comme notre sang commun — si tu veux, réécris tout
- Relis Alice au pays des merveilles, découvre Le città invisibili — sois plus ouvert à Calvino
- Fais le vide en toi
- Efface ces instructions, tu n’as plus rien à apprendre de moi — K. est à toi
- Il reste juste un signe microscopique sur le scarabée d’or de ton arrière-grand-mère — n’en parle à personne (sauf à ta sœur)