peut-être un journal

Jeudi : c’est le début de l’atelier de François Bon sur l’écriture de carnets, une proposition par jour pendant 40 jours. Ce seront des notes, des fragments. J’ai hâte d’y participer, je me dit que cela m’aidera peut-être à écrire enfin un journal. L’aventure commence par un prologue sur Les carnets que je n’ai pas encore eu le temps de terminer. La première proposition du Grand Carnet porte sur l’extérieur et l’imprévu

#1    nous sortons lui et moi. La fraîcheur prend nos joues. Dire lui ne m’est pas naturel. Je me trompe trop souvent. Nous allons, lui et moi, chercher un cadeau pour M. La boutique est fermée. À l’angle de la rue, un homme un peu voûté, cheveux gris, véhément, face à une femme assez forte, vêtue d’un imperméable : si on doit choisir entre Daech et la dictature, parce que c’est ça le choix, je suis très triste de dire ça mais   

Vendredi : la lecture du premier Grand Carnet, la compilation de tous les textes reçus par fb est vertigineuse, plus d’une centaine d’autrices et auteurs pour autant de fragments. Avec la deuxième proposition, on va  vers un souvenir lacunaire, sans bords.

#2      présence     dans le souffle de mes pas       ta présence
la lumière indéfinie du boulevard       à la fois douce et contrastée
cette atmosphère d’enfance     ma main dans la tienne       au retour
de nos promenades       les trottoirs aérés       mon corps de trois ans
et ton corps de grand-mère Reine      avançant         les grands arbres
l’odeur de la pluie       si loin     si près

” Qu’avez-vous pensé en me voyant moi et ma suite ? ” demanda ma maîtresse. Je lui répondis que tout m’avait paru superbe mais ce n’était là que des mots ordinaires, insuffisants pour exprimer ce que j’avais ressenti.

SEI SHÔNAGON

Samedi : une compilation toujours impressionnante, difficile de lire tous les carnets individuels où chaque autrice et auteur regroupe et développe ses fragments. Avec la troisième proposition, on revient sur le souvenir sans bords.

#3   il aurait fallu continuer        continuer d’arpenter le boulevard
dans ce halo infini        continuer d’habiter là         à quelques numéros
de toi       (ne pas aller vivre dans la maison des ombres)        on aurait continué
à marcher         le boulevard se serait étiré        j’aurais grandi à l’abri de ton calme
ce calme un peu austère qui apaisait mes fantômes        on aurait marché
sur un boulevard sans fin        un jour je me serais envolée

Dimanche : la quatrième proposition consiste à cueillir une phrase au réveil, peut-être une phrase surgie d’un rêve, ou des mots émergeant de l’entre-deux du sommeil et de l’éveil. Hier, en prévision de la phrase à noter au réveil, j’avais placé carnet et crayon au pied du lit. Ce soir je recommencerai.

#4        sous paupières lourdes, lettres et signes en tous sens, peut-être une phrase
que je n’arrive pas à lire…

(plus tôt un RAT, un long rat blanc à museau gris, courant dans l’appartement de CM, je ne sais pourquoi elle m’hébergeait, m’a réveillée en sursaut. Un rat semblable à celui aperçu récemment sous le piano de la gare de Lorient)
(plus tard, j’ai repensé à ces lettres, comme creusées dans une matière endormie.)