Le garçon longe un ruisseau. Il se faufile dans la roselière où il observe un ragondin et des libellules. Il imagine construire avec des branchages un dispositif pour écarteler le crapaud qu’il vient de capturer.

Sur le pas de la porte, l’aïeule fait un signe d’adieu à ses petits-enfants qui traversent la cour. Eux lui envoient des baisers de la main avant de refermer le haut portail. Elle pense que c’est peut-être la dernière fois qu’ils se sont vus.

Devant un miroir, un homme répète un discours de victoire puis un discours de défaite. Son regard est droit, sa voix assurée. Quoiqu’il arrive, il sera convaincant.

Une adolescente parfait son maquillage en maniant un recourbe-cils. Elle sourit au miroir qui réfléchit son visage. Avec son téléphone elle photographie son reflet se photographiant dans le miroir et le poste sur Facebook.

L’homme pose sa mallette et ouvre grand ses bras. Il entonne un air d’opéra d’une voix majestueuse. Sur le quai du métro les gens sourient devant ce grand ténor en costume cravate.

Un vieil homme se réveille exténué. Chaque nuit, sur un cheval efflanqué, il fuit la steppe eurasienne craquelée par le gel. Chaque nuit, les compagnons d’infortune, la neige et l’écho persistant de l’armée ennemie.

Une femme est allongée sur son lit. Elle ne veut plus aller à son travail, elle ne veut plus jouer le personnage qu’on attend d’elle. Allongée sur son lit, elle flotte entre les mots et les images qui parcourent son esprit.

Il entre dans le métro son clavier dans les bras. Il joue une musique envoutante, des onomatopées s’échappent de sa gorge. Tout son corps est un chant hypnotique.

Une femme s’endort en chantant une berceuse à sa fille. Elle se réveille et observe dans l’obscurité les phosphènes sur le beau profil de sa fille endormie. Doucement elle quitte la chambre avec une certaine mélancolie.

Un sac sur l’épaule, il quitte le port après avoir reçu sa paie. Des kilomètres de liberté devant les yeux. Suivre la route au milieu des plaines avant de rejoindre une autre ville portuaire.

Elle pose son pinceau et se recule. Sur la toile, l’ombre des peupliers frémit. Elle pense aux feuillages qui bruissent dans le vent et regarde ses mains tachées.

 

Onze personnages nés suite à une proposition de l’atelier du Tiers Livre de François Bon
Onze fois trente-trois et deux d’entre eux qui s’animent dans une nouvelle en cours d’écriture….
à suivre…